La montée des préoccupations environnementales

La montée des préoccupations environnementales

Histoire du développement durable - préoccupation environnementalesPour tenter de comprendre les raisons qui poussent aujourd’hui l’organisation à la mise en place  de la démarche de responsabilité sociétale des entreprises, il semble important de définir le contexte qui a permis l’émergence d’une conscience environnementale dans l’opinion publique, c’est-à-dire chez le consommateur et le citoyen, et qui pousse aujourd’hui à une responsabilisation de la sphère professionnelle.

Il s’agit de définir la raison pour laquelle ces trente dernières années ont été marquées par la montée en puissance des préoccupations relatives aux effets que les activités humaines ont sur l’environnement, et comment cette prise de conscience progressive est à l’origine des transformations au sein de l’entreprise. Selon Thierry Libaert, jusqu’en 1992, il y aurait quatre phases (LIBAERT Thierry, La communication verte) de prise de conscience de notre société par rapport à son environnement. Les préoccupations environnementales seraient passées de l’indifférence quasi-générale avant les années soixante à la grande sensibilité d’aujourd’hui (LARAMEE Alain, La communication environnementale).

De la révolution industrielle à la fin des années soixante (la genèse du développement durable)

Du commencement de la révolution industrielle à la fin des années soixante, les Français sont fiers de leur industrie et de leurs centrales nucléaires. Du coté législatif, rien ne semble perturber l’industrie, quelques lois viennent ici et là réguler les problèmes de cadre de vie ou de « nuisance », comme la loi de 19179 relative aux « établissements dangereux, insalubres ou incommodes », ou encore la loi relative à « la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs » de 1961. En réalité, il n’y a pas de demande sociale envers la protection de l’environnement jusqu’à la fin des années 60, en partie parce que la pensée de l’époque induit que si le progrès technique peut amener des nuisances et des dangers, il peut également y trouver des solutions et les supprimer. La nature n’est jusque là qu’un immense réservoir gratuit, que l’on peut exploiter à l’infini. L’entreprise n’intègre alors pas l’environnement dans ses stratégies de long terme, jusqu’à l’apparition de catastrophes de grande échelle.

Les premiers signes d’une conscience environnementale

Lorsqu’en 1967 le pétrolier Torrey-Canyon s’échoue en Cornouailles, l’incident fait prendre conscience à l’Europe d’un risque qui avait été négligé. De plus, l’évènement est repris de manière sensationnelle par les médias, en montrant des images d’oiseaux piégés dans le mazout, faisant appel à un registre émotionnel, touchant ainsi l’opinion publique (LIBAERT Thierry, La communication verte). Cet événement, comme d’autres la même année, marque le début de l’émergence de l’environnement sur la scène politique. En effet, à la même période, la contestation de la technologie, de la consommation et de la science fait surface, à la fois par les mouvements soixante-huitards (ALDEGUER Julien, interactions multiculturelles dans les espaces communautaires à Auroville), mais également par la parution d’ouvrages pro-environnementaux (CARSON Rachel, Le printemps silencieux) ou encore, par la naissance d’associations de protection de la nature comme Les amis de la Terre en 1969. De leur coté, certaines grosses entreprises commencent à entrevoir la question de l’environnement d’un œil plus stratégique comme ELF Aquitaine ou 3M qui fondent des services « environnement » embryonnaires. En 1971 se créée le ministère de l’environnement, également baptisé « ministère de l’impossible » à cause de son budget quasiment nul. Puis se déroule en 1972 la conférence de Stockholm, première pierre et premier effort international relatif à l’environnement, suivi du premier rapport commandé par le Club de Rome, qui est publié la même année. L’année suivante, d’après une enquête Publimétrie, 77 % des Français pensent que les dangers de la pollution sont sous-estimés, et plus surprenant encore, que 46 % des Français sont prêts à payer plus cher des produits dont la fabrication est non polluante.

L’ère des grandes catastrophes

La décennie qui s’échelonne du milieu des années soixante-dix au milieu des années quatre-vingt est marquée par les chocs pétroliers, les marées noires, et une succession de catastrophes inédites : Seveso (1976), Three Miles Island (1979), l’Amoco-Cadiz (1978), Bhopal (1984). Ces catastrophes montrent à chaque fois l’incapacité des entreprises et des états à anticiper les risques, et les difficultés à intervenir de manière responsable sur la question de l’environnement. La législation évolue au niveau industriel avec la loi du 19 juillet 1976 qui impose une autorisation préalable à toute nouvelle implantation et qui sera renforcée en 1983 avec la loi  Bourchardeau, qui oblige notamment à établir des études d’impact et une évaluation des risques avant approbation. C’est sans aucun doute à cause de ce durcissement de la législation et des sanctions qui y sont liées que les entreprises commencent à intégrer l’environnement. En 1986, la moitié des cent plus grandes entreprises de France ont ouvert un service environnement. Les entreprises commencent également à communiquer sur les thèmes environnementaux, comme Total qui affiche en 1978 un paysage de campagne avec le slogan « c’est beau chez nous ». Avec les différents chocs pétroliers et les contraintes énergétiques qu’ils apportent, les gouvernements de cette période, se positionnent nettement en faveur du nucléaire avec le plan Messmer qui prévoit la construction de nouvelles centrales nucléaires, et qui ne sera pas trop contesté par les Français.

L’après Tchernobyl

Tchernobyl, catastrophe écologique « par excellence », va profondément marquer l’opinion publique part son ampleur. Celle-ci prend conscience de la globalisation des risques à la fois pour l’environnement et pour elle-même. D’autres facteurs comme la destruction de la forêt amazonienne, la dangerosité des CFC, les pluies acides, renforcent ce sentiment : les risques et les catastrophes n’ont plus de frontières, le danger est planétaire. Cela va entrainer une profonde mutation de la perception de la notion d’environnement. L’accord de Montréal en 1987 et la directive C.E.E. (Directive européenne, dite directive aérosol) va permettre l’interdiction des C.F.C. ( Les Français deviennent plus hostiles au nucléaire, seulement 43,5 % en 1988 se disent favorables à la politique nucléaire française contre 67,4 % en 1985, soit avant Tchernobyl. De même, il apparait que l’environnement tient la seconde place dans l’échelle de préoccupations des Français. D’après Philippe Ansel, les préoccupations auraient changées car l’homme a changé son rapport au monde, ayant exploité et dominé la nature jusqu’à en payer aujourd’hui les abus par le biais de « l’effet boomerang » que sont les catastrophes écologiques. Ce paradigme assurerait un caractère favorable à la notion d’environnement pour le grand public et ce, sur une période durable.

Du rapport Brundtland au Grenelle de l’environnement

L’apparition de la notion de « développement durable » en 1981 dans le rapport de l’Union internationale de conservation de la nature, puis popularisée suite au rapport Brundtland a permis jusqu’à aujourd’hui de créer un consensus en Occident sur l’urgence d’agir en faveur de l’environnement. D’ailleurs la définition de cette pensée a subit, depuis son apparition, des ajouts et des modifications, ainsi, au pilier économiques, social et environnemental originels se sont greffées les notions de culture et de gouvernance.
Le développement durable est avant tout une solidarité spatio-temporelle entre les générations et les peuples. De même, il préconise une gestion raisonnée des ressources et leur juste répartition au sein des générations actuelles et futures. Le consensus scientifique concernant la nécessité d’agir pour l’environnement, a permis l’essor de cette notion pourtant ambigüe et les Grenelles de l’environnement ont semblé marquer la volonté du pays à s’approprier ce mode de développement. Cette orientation et le renforcement du cadre législatif a probablement « motivé » les entreprises à adopter d’elles-mêmes une approche de développement axée sur le « durable ».

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